mardi 27 mars 2012

C’est vrai, je ne t’aime plus.


Non, ce n’est pas un projet que je mijote depuis longtemps… C’est plutôt un constat qui s’est imposé à moi, au fil de notre relation, au fil de nos incompréhensions. J’y ai longuement réfléchi, notre union me préoccupe. Plus il prend de décisions, moins je l’aime. Je n’ai plus envie de lui, même si je l’ai déjà aimé. Même si nous avons enfanté, nos rejetons ne nous admirent plus, ils n’ont pas dans les yeux ce regard admiratif et plein de fierté. Ils sont cyniques, indignés, en grève, engourdis ou tout simplement accroupis dans la posture de ces trois singes de la sagesse, yeux, bouche et oreilles couverts, préférant tantôt ne rien dire, ne rien entendre ou ne rien voir.

Primate de descendance (et disciple de la théorie de l’évolution) je refuse de m’accroupir, enfin, pas pour le moment. Alors je songe au divorce, parce que le Québec et le Canada ne font plus l’amour. Est-ce une raison suffisante? Évidemment. Parce qu’on cesse de jouer la séduction, de se désirer, le dédain et le mépris tranquille commencent à s’installer. Puis, c’est l’indifférence. L’indifférence qui entraîne ce malsain statu quo. « On ne le changera pas… à son âge! ». Évidemment qu’on ne le changera pas et lui, il ne partira pas. Quel avantage en tirerait-il?

Rationnellement, nous savons tous que multiplier les centres de décision (fédéral, provincial, municipal, scolaire) coûte cher en argent et en incompréhensions, surtout quand nous faisons chambre à part, ou quand chacun tire la couverture. Nous savons tous aussi qu’on ne pense plus à nous là-bas, à Ottawa. Mais on ne se prive pas de nous imposer ce qui est bon pour nous, où notre argent, durement gagné, sera dépensé. On ne s’embête pas du fait que la protection de ce qu’il reste d’environnement sain puisse être remis à plus tard, que la nomination de personnes clés qui ne parlent pas notre langue puisse nous désavantager. Nous sommes redevenus dociles depuis 1995.

Je crois en nous, je crois en moi, mais surtout en vous. Peuple brillant, charmant, combatif et drôle. Eh oui, l’humour aura été notre planche de salut : mieux vaut en rire, même jaune.

Canada, je demanderai le divorce.  Cette fois c’est vrai, je ne t’aime plus.
J’en aurai le cœur brisé, évidemment; nous avons tant de bons souvenirs ensemble. Je ne te quitte pas pour un autre (!), mais pour me reprendre en main. Je suis convaincue que je saurai mieux m’épanouir sans toi; je remettrai mes désirs et aspirations à l’avant-plan, le politique (re)deviendra arbitre de priorités et respectera les volontés des citoyens, en se souvenant que c’est leur argent qu’il dépense. En se réappropriant, la prise de toutes les décisions, les choix qui seront faits me ressembleront davantage, pourront être faits de manière prudente.

Tu sais Canada, nous pouvons rester amis. Je te souhaite de te refaire une vie heureuse, sans moi. Pour ma part, j’ai décidé d’être agent de changement, avec toute l’ingratitude que la vie politique pourra entraîner. J’ose croire que c’est un signe de courage (!) Tel que le dit l’adage : « Il faut bien du courage et de la modération pour soutenir l'ingratitude de ceux qu'on aime. » Québec je t’aime. Québec, je nous aime. L’avenir nous appartient, soyons enfin des divorcés heureux!

Sur les épaules des géants


Il y a 50 ans. Une grande étape avait été franchie, vécue  par nos parents, babyboomers, dans les années 60. Premier moment dans l’histoire où, il était permis de rêver. L’espoir d’être un « self made man » encore très présente laissait tranquillement la place à cette idée qu’ils pouvaient maintenant faire « mieux » que leurs parents, en allant à l’école. Ils pourraient peut-être sortir de leur niveau social, ne plus être prolétaire, comme dirait mon père.

Aujourd’hui. Prenons un petit bout de chou. Disons 10-12 ans. D’accord il n’est déjà plus si petit, mais c’est encore un enfant. Demandez-lui ce qu’il fera plus tard. Et répétez l’exercice avec tous les amis de sa classe. Vous serez surpris : aucun de ces enfants n’exprimera de limites quant à ce qu’il peut réaliser dans la vie. Il sait que toutes les possibilités sont là, à sa portée. Médecin, comédien, architecte, pompier… nous avons su démocratiser le savoir pour permettre à chacun de réaliser son plein potentiel.

Il y a 30 ans. J’ai tout à fois voulu être diplomate, médecin, infirmière, ballerine. Mes parents avaient cette manière d’espérer et de croire en nous en nous disant qu’au fil des générations, les membres de notre famille se sont améliorés, que leurs réussites ont toujours été de plus en plus grandes. Ils espéraient que nous ferions plus et mieux et ils en seraient fiers.

Maintenant. Je ne sais pas si j’ai fait mieux que mes parents (j’en doute), mais je sais que tous les possibles étaient là. Je sais aussi que je vous ait fait sourire et réfléchir au cours des derniers mois; j’ai réfléchi, parlé, critiqué, parce que j’ai pu apprendre à réfléchir, parler et critiquer, en allant à l’école. Et j’en suis reconnaissante. Cet effort collectif qui vous avez fait pour moi, j’accepte de le faire pour nos enfants, pour qu’ils nous fassent sourire de fierté à leur tour.

Et demain? Mes parents ont accepté d’être des géants et m’ont laissé monter sur leurs épaules pour voir plus loin… et c’est maintenant au tour des miens (qui ne sont déjà plus si petits) de grimper sur mes épaules. Je suis aujourd’hui fière de ces jeunes qui s’unissent, qui sortent de l’apathie collective, s’impliquent, s’indignent et agissent.

Ils ont de 17 à 30 ans, ils sont au tiers de leur vie. Ce sont nos enfants. Ils sont les géants de demain… un demain qui s’annonce trouble et où il faudra pouvoir voir encore plus loin et où nous aurons besoin de géants, pour supporter sur leurs épaules le poids de cette pyramide inversée.