samedi 30 juin 2012

Un après-midi au sérail (partie 1)



 Françoise y tenait.

-       On ne peut pas quitter Istanbul sans aller dans un hammam!

J’étais d’accord. Mais honnêtement, je ne savais pas vraiment en quoi cela consistait. L’idée d’aller me faire dorlotter me plaisait.

Hammam.
Bain turc… un centre de beauté sans doute : huiles, massages, détente.

Sillonnant les rues d’Istanbul, après l’émerveillement qu’avait suscité la visite de la mosquée bleue, nous avions abandonné l’idée.

Mosquée bleue


Il y avait bien un hammam dans la « zone », tout près de Sultanhammet, mais notre visite y avait été de courte durée :

-       Une vraie trappe à touristes, avait dit Françoise. À cent euros l’heure, c’est une vraie arnaque!

Et l’endroit n’avait rien à envier à nos spas « occidentaux ».
Pour Françoise, c’était le « vrai » hammam turc, ou rien.

Alors nous avons poursuivi notre visite et, comme la journée avançait, nous avions abandonné l’idée.

C’est en dévalant la pente depuis l’İstanbul Üniversitesi - lieu que j’avais mis dans mes «must» - qu’un gendarme nous a redirigés dans la mauvaise direction. Fait commun ici d’être déroutés par les locaux… j’ai ma théorie du complot là-dessus, je vous en reparle... Donc ce gendarme, nous indiquant bien naïvement la route à (ne pas)suivre pour revenir vers chez nous, allait nous mettre sur la route de ce hammam mentionné dans le Guide du routard et que Françoise avait retenu.

Françoise hésitait.
Après la théorie du complot, il y a les coups du hasard, auxquels je ne peux pas résister :

-       Allez Françoise! Le hasard l’a placé sur notre chemin, ont doit y aller!

-       Hallo! Bitte schön!

Une femme dans la cinquantaine nous interpelait depuis trois portes à la gauche de l’entrée du hammam. En fait, ce qui s’avéra être l’entrée des hommes.

-       Hallo, bitte schön!

Il me fallu un moment pour réaliser qu’elle s’adressait à nous en allemand et que je ne comprenais toujours pas le turc!

-       Bitte schön!

Elle nous faisait signe d’approcher. Elle nous invitait, à grands gestes, à entrer. Elle devait être la maîtresse de l’endroit ou la tenancière.

Brune, assez petite et trapue, on aurait dit un italienne.
C’était une « femme pomme ».
Bien portante de la poitrine et du ventre, fesses plates et hanches inexistantes.
J’oppose la « femme-pomme » à la « femme-poire » - dont je suis – qui porte davantage dans les hanches et peu à la poitrine.
L’analogie est efficace.

À force d’échanges (en allemand et, surtout, en gestes) elle a convaincue Françoise. Moi, j'avais été séduite à « Hallo! .

Nous l’avons suivie, et sommes descendues, dans la caverne…

Rien, ni de la rue, ni de la façade et encore moins de notre hôtesse, ne nous avais permis d’anticiper cette descente au sérail[1].

L’endroit consistait en une grande pièce rectangulaire, grande comme une maison unifamiliale à aire ouverte. Au centre, cinq ou six fauteuils sur lesquels étaient assises des femmes, elles étaient cinq. Et un gamin, d’environ huit ans. Les femmes, étendues, allongées, discutaient, lisaient le journal, feuilletaient des magazines. Tout autour, des cabines aux portes presqu’entièrement vitrées attendaient les visiteuses qui iraient se dévêtir sous les regards des femmes du sérail.

Mais surtout, ce qui frappait l’œil, c’était cette lumière. Ces rayons de soleil qui pénétraient la pièce à travers cette multitude de perforations rondes dans le plafond. Ce n’était pas un sous-sol… mais un pièce basse avec un plafond haut, en voûte. Une passoire à soleil...

Attentat à ma pudeur, Néphis, notre hôtesse, nous désigna chacune une cabine et nous indiqua très nettement de tout enlever… puis, elle nous apporta une serviette de bain pour nous couvrir. Comme dirait un femme que j’ai connue dans une autre vie: 

La Porte dorée
- « Pour elle, la tête et le cul, c’était pareil! »

Je pense à ce petit bonhomme de huit ans… il me regardait, l'air coquin, à travers la porte  entrouverte. Une fois adulte, il en aura vu défiler des corps de femmes!

Bien enroulées dans nos serviettes de bains, nues et démunies, Françoise et moi avons suivi Mme Néphis jusqu'à la porte dorée. 

(à suivre)...














[1] Dans la maison turque, le Sérail est l’endroit habité et occupé par les épouses et concubines. Il est exclusivement réservé aux femmes.